Le braille des sirènes, c'est celui qu'elles déchiffrent sur les aiguilles d'oursins quand elles émergent des roches après un évanouissement.
Quelle pression les rend aveugles? Quel tournis les prive de sens? Quelle circulation démente de gyrobus pour cités marines leur fait voir la mer en noir? Anthracite, noir d'ivoire plus qu'en pailleté et blanc?
Elles voudraient lire de leurs yeux, visionner comme autrefois des films bulles de Mélusine. Mais seuls leurs doigts sont actifs. Le sel, l'iode les satinent depuis qu'elles ont parcouru toute la littérature valant la peine d'être lue: de l'Epopée de Gilgamesh à la Trilogie de Ketil Bjornstad. A présent, elles veulent écrire le grand roman des doigtés et l'imprimer elles -même en version inoxydable, submersible, imperméable. Empreintes tactiles de piscines et glissandos des tréfonds. Ses feuillets tapisseront les parois des bathyscaphes.
Victimes d'une danse fatale, celle de la gyromancie, elles cherchent le mot MERMAID à l'intérieur des quatre cercles. Queue couvrant le disque des pôles et son vinyle à courants.
Quand j'aurai retrouvé mon nom, je deviendrai gyrovague. A bord d'un sous marin bleu qui me remontera au ciel, éclaircissant sa couleur en comète de moule et miel, je tiendrai le tableau de bord incrusté dans la cabine bâtie pour le gyropilote. Il m'emportera très loin sur les rails du gyrotrain, un gyroscope dans les mains enregistrant mon expérience comme exemple pour le genre humain.
Un radar me changera en sorte d'Helen Keller mais sans les crises de nerfs et sans les transes de rage.
Extrait de "La vie des mollusques dans leur coquillage", octobre 2014.